En 2007, Ole Paper en est à son troisième plan de licenciement en cinq ans. Le chiffre d’affaires a chuté de 40% sur la même période et l’équipe de direction commence à envisager de cesser toute activité. La crise du papier fait rage : la presse (client historique) est en déclin, l’ordinateur remplace de plus en plus les cahiers et le recyclage du papier est devenu une priorité gouvernementale danoise, ce qui réduit d’autant les besoins de production. « A l’époque, lorsque je suis entré chez Ole, ma propre mission n’était pas claire. Recruté en tant que directeur financier, je ne savais pas vraiment si mon rôle consisterait à participer à la liquidation ou au sauvetage de l’entreprise, se souvient Markus Martin. Nous étions exactement dans ce que Joseph Badaracco nomme une ‘zone grise’ : nous n’avions aucune visibilité sur notre avenir à un horizon de quelques mois et devions pourtant prendre une décision car, chaque mois, nous perdions 200 000 dollars. »
Décider implique une prise de risque
« En zone grise, les dirigeants ont tendance à éviter de prendre des décisions. Solution la plus facule, face au manque d’information disponible, vous préférez attendre pour être certain de ne pas faire d’erreur et espérez que le brouillard se dissipera de lui-même prochainement », explique Markus Martin. Cette paralysie de la décision, en vigueur entre 2002 et 2007 chez Ole, enfonçait chaque année l’entreprise dans la récession. « Lorsque j’ai pris mes fonctions en 2007, l’entreprise perdait près de 10% de chiffre d’affaires par an et s’était séparée de 20% de ses 4000 collaborateurs. La situation était devenue intenable. Nous devions prendre une décision malgré le brouillard ambiant : poursuivre notre activité en nous modernisant, mettre la clé sous la porte ou effectuer un virage stratégique radical. UN choix qui avait été trop longtemps repoussé. »
Restreindre la prise de décision
Entreprise familiale fondée en 1924, Ole a une structure pyramidale qui concentre les décisions stratégiques au sommet. Dans ce contexte, l’équipe de direction a fait le choix de s’isoler pour réfléchir à l’avenir de l’entreprise sans faire appel aux autres parties. « Cela peut paraître insensé à l’heure où tout le monde ne jure que par l’intelligence collective, mais je pense avec le recul que c’était une excellente décision. Le risque, en zone grise, est de vouloir traiter trop d’informations et de tenir compte de l’avis de tout le monde (équipes, clients, actionnaires, etc.) qui ont tous des intérêts contradictoires. Au final, vous risquez de multiplier les dilemmes et de bloquer toute action. »